Garantie d’éviction et liberté d’entreprendre : la Cour de cassation retient une approche équilibrée
Cass. com., 6 nov. 2024, n° 23-11.008 F-D
La garantie d’éviction, qui interdit au cédant de droits sociaux de concurrencer la société après une cession, doit être délimitée avec précision, notamment en termes de durée et de champ d’application. Une récente décision de la Cour de cassation (Cass. com., 6 novembre 2024) vient apporter des éclairages précieux sur ce sujet complexe et souvent débattu.
En application des articles 1626 et 1628 du Code civil, le cédant de droits sociaux est tenu de garantir l’acquéreur contre toute éviction de sa part. Cela inclut une interdiction implicite de mener des actions qui entraveraient la poursuite des activités économiques de la société cédée. Cependant, cette obligation de non concurrence doit rester proportionnée aux intérêts protégés et s’apprécier en fonction des réalités économiques.
Dans cette affaire, l’acquéreur des actions d’une société éditant des logiciels reprochait aux cédants d’avoir créé, plusieurs années après la cession, une entreprise concurrente opérant dans le même secteur. Cependant, la Cour de cassation valide l’appréciation de la cour d’appel, qui avait retenu que les cédants n’avaient pas enfreint leurs obligations au regard notamment :
– Des délais significatifs entre les opérations : la société concurrente avait été créée plus de trois ans après la cession, et le lancement de ses activités principales était intervenu près de cinq ans après.
– De la nature du marché concerné : le marché en question, celui du développement de logiciels et de prestations informatiques, évolue très rapidement en raison des innovations technologiques constantes.
La Cour de cassation juge en conséquence, que prolonger les effets d’une clause de non rétablissement concernant un marché aussi innovant serait disproportionné compte tenu du droit à la liberté d’entreprendre dont bénéficie le cédant.
Par cette décision la Cour de cassation rappelle l’importance de concilier les intérêts opposés dans le cadre d’une opération de cession, et notamment d’une part la protection des intérêts légitimes de l’acquéreur, via la garantie d’éviction et d’autre part, la préservation de la liberté d’entreprendre du cédant.
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